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ESCALADES DANS LES ALPES.

du dôme de neige situé à droite, afin de voir s’il était possible d’escalader la muraille rocheuse. Il reparut presque aussitôt sur les rochers qu’il gravissait évidemment avec peine, et il atteignit enfin l’arête. Cette fois encore nous crûmes la partie gagnée, et nous nous élançâmes à sa suite. Tout à coup il nous cria de faire halte, et se mit à redescendre. Bientôt il s’arrêta. Après une longue pause, il cria à son frère qu’il lui était impossible de redescendre par le même chemin. Jean était visiblement inquiet, et pendant quelque temps nous le suivîmes des yeux avec anxiété. À la fin, Michel tailla des degrés dans la neige sur le versant du pic qui nous faisait face. À ce moment, Jean nous quitta, et, se dirigeant vers la paroi de glace dont j’ai parlé, il se mit à y tailler des pas ; en un quart d’heure de travail, il parvint à s’y hisser je ne sais comment, puis il tailla de nouveaux degrés pour aller rejoindre son frère. Presque tous ces degrés paraissaient taillés à travers une croûte de neige dans la glace dure qu’elle recouvrait, et un petit torrent de neige commença à descendre en sifflant le long des flancs du pic pendant qu’ils l’entaillaient avec leurs haches. Michel n’était guère à plus de 100 mètres de nous et il s’écoula trois grands quarts d’heure avant que les deux frères se fussent rejoints. Quand ils furent réunis, ils descendirent avec précaution, enfonçant profondément leur hache dans la neige à chaque pas.

« Michel nous raconta alors qu’il avait atteint l’arête avec beaucoup de peine, et constaté qu’elle était praticable jusqu’à une certaine distance et en réalité aussi loin que sa vue s’étendait ; mais, ajouta-t-il, la neige était très-dangereuse, car elle n’avait aucune consistance et reposait sur de la glace très-dure ; quand il avait commencé à descendre afin de nous en prévenir, il trouva la surface des rochers tellement polie et glissante que le retour n’était pas possible ; pendant quelque temps même il courut un véritable danger. Nous aurions donc pu atteindre l’arête par le chemin qu’avaient suivi nos guides pour redescendre ; mais évidemment, dans leur opinion, toute nouvelle tentative était impossible, aussi n’insistâmes-nous pas. Nous