Page:Wilde - Le Crime de Lord Arthur Savile, trad. Savine, 1905.djvu/203

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rouges que les pattes des colombes et plus rouges que les grands éventails de corail que l’océan berce dans ses abîmes, mais l’hiver a glacé mes veines, la gelée a flétri mes boutons, l’ouragan a brisé mes branches et je n’aurai plus de roses de toute l’année.

— Il ne me faut qu’une rose rouge, cria le rossignol, une seule rose rouge. N’y a-t-il pas quelque moyen que j’en aie une ?

— Il y a un moyen, répondit le rosier, mais il est si terrible que je n’ose vous le dire.

— Dites-le moi, fit le rossignol. Je ne suis pas timide.

— S’il vous faut une rose rouge, dit le rosier, vous devez la bâtir de notes de musique au clair de lune et la teindre du sang de votre propre cœur. Vous chanterez pour moi, votre gorge appuyée à des épines. Toute la nuit vous chanterez pour moi et les épines vous perceront le cœur : votre sang vital coulera dans mes veines et deviendra le mien.

— La mort est un grand prix pour une rose rouge, répliqua le rossignol, et tout le monde aime la vie. Il est doux de se percher dans le