Page:Wilde - Le Crime de Lord Arthur Savile, trad. Savine, 1905.djvu/261

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nous que deux camarades qui aiment la marche, les grands arbres, la brise fraîche, l’air irrespiré des hauteurs, les fleurs silvestres. Madame Marcelle a vingt-deux ans, un esprit pétillant. Je ne suis pas de beaucoup son aîné et l’on ne me dit point sot. Bref, nous ne songeons qu’à nous amuser et à jouir de la vie pendant notre promenade, quittes à reprendre nos attitudes d’hostilité courtoise en nous rapprochant du logis.

Je répliquai à Mérédith que je ne comprenais pas que l’amie dans les bois ne fût pas l’amie à la maison et que sa psychologie me semblait bien subtile.

— Je n’ai pas dit amie, me répliqua-t-il, j’ai dit camarade et c’est tout différent. Il n’y a pas d’amitié possible entre la femme de mon oncle et moi : la camaraderie n’engage à rien.

Quand je scrute mon moi de ce temps-là, je songe que peut-être au fond j’étais suffisamment amoureux de madame Marcelle pour demeurer enchanté que Mérédith lui battît si froid.