Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/53

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le monde croit que Cyril Graham s’est tué par accident. La seule preuve qu’il s’était tué résultait de la lettre qu’il m’a écrite et le public n’a jamais rien su de cette lettre. Actuellement même lord Crediton croit que tout cela fut accidentel.

— Cyril Graham a sacrifié sa vie à une grande idée, répondis-je, et si vous ne voulez pas parler de son martyre, parlez au moins de sa foi.

— Sa foi, dit Erskine, était basée sur une chose qui était fausse, sur une chose que pas un scholiaste de Shakespeare ne voudrait accepter un moment. On rirait de la théorie. Ne jouez pas le rôle d’un fou. Ne suivez pas une chimère qui ne mène à aucun but. Vous commencez par affirmer l’existence de la personne même dont il s’agit de prouver l’existence. En outre, tout le monde sait que les Sonnets sont adressés à lord Pembroke. La question est résolue une fois pour toutes.

— La question n’est pas résolue, m’écriai-je. Je répandrai la théorie que Cyril Graham a laissée et je prouverai au monde qu’il avait raison.