Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/58

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sentation visible sur la scène, ajoute au prestige de la poésie, donne la vie à toute sa nature séduisante et la réalité actuelle à sa forme idéale.

Et pourtant, dans le 67e sonnet, Shakespeare invite Willie Hughes à renoncer à la scène si artificielle avec sa vie fausse, ses mimes au visage maquillé et au costume sans réalité, ses influences et ses suggestions immorales, son éloignement du vrai monde, de l’action réelle et du langage sincère.

Oh ! pourquoi mon bien-aimé vivrait-il avec la corruption et honorerait-il le sacrilège de son prestige en sorte que le péché obtiendrait par lui un avantage décisif et se parerait de sa société ?

Pourquoi le fard imiterait-il le teint de ses joues et plagierait-il, par une copie inanimée, leurs vives couleurs ? Pourquoi la pauvre beauté chercherait-elle indirectement les reflets de la rose, quand elle a la rose vraie ?

Il peut sembler étrange qu’un aussi grand dramaturge que Shakespeare, qui réalisa sa