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DE DORIAN GRAY

de découvrir de l’art textile et de la broderie ; il se procura les adorables mousselines de Delhi finement tissées de palmes d’or et piquées d’ailes iridescentes de scarabées ; les gazes du Dekkan, que leur transparence fait appeler en Orient air tissé, eau courante ou rosée du soir ; d’étranges étoffes historiées de Java ; de jaunes tapisseries chinoises savamment travaillées ; des livres reliés en satin fauve ou en soie d’un bleu prestigieux, portant sur leurs plats des fleurs de lys, des oiseaux, des figures ; des dentelles au point de Hongrie, des brocards siciliens et de rigides velours espagnols ; des broderies géorgiennes aux coins dorés et des Foukousas japonais aux tons d’or vert, pleins d’oiseaux aux plumages multicolores et fulgurants.

Il eut aussi une particulière passion pour les vêtements ecclésiastiques, comme il en eut d’ailleurs pour toute chose se rattachant au service de l’Église.

Dans les longs coffres de cèdre qui bordaient la galerie ouest de sa maison, il avait recueilli de rares et merveilleux spécimens de ce qui est réellement les habillements de la « Fiancée du Christ » qui doit se vêtir de pourpre, de joyaux et de linges fins dont elle cache son corps anémié par les macérations, usé par les souffrances recherchées, blessé des plaies qu’elle s’infligea.

Il possédait une chape somptueuse de soie cramoisie et d’or damassée, ornée d’un dessin courant de grenades dorées posées sur des fleurs à six pétales cantonnées de pommes de pin incrustées de perles. Les orfrois représentaient des scènes de la vie de la Vierge, et son Couronnement était brodé au chef avec des soies de couleurs ; c’était un ouvrage italien du XVe siècle.