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DE DORIAN GRAY

pas de blanches du tout… Le temps est délicieux, Francis, et Richmond est un endroit charmant ; autrement je ne voudrais pas vous ennuyer avec cela.

— Pas du tout, monsieur. À quelle heure faudra-t-il que je revienne ?

Dorian regarda Campbell.

— Combien de temps demandera votre expérience, Alan ? dit-il d’une voix calme et indifférente, comme si la présence d’un tiers lui donnait un courage inattendu.

Campbell tressaillit et se mordit les lèvres…

— Environ cinq heures, répondit-il.

— Il sera donc temps que vous rentriez vers sept heures et demie, Francis. Ou plutôt, attendez, préparez-moi ce qu’il faudra pour m’habiller. Vous aurez votre soirée pour vous. Je ne dîne pas ici, de sorte que je n’aurai plus besoin de vous.

— Merci, monsieur, répondit le valet en se retirant.

— Maintenant, Alan, ne perdons pas un instant… Comme cette caisse est lourde !… Je vais la monter, prenez les autres objets.

Il parlait vite, d’un ton de commandement. Campbell se sentit dominé. Ils sortirent ensemble.

Arrivés au palier du dernier étage, Dorian sortit sa clef et la mit dans la serrure. Puis il s’arrêta, les yeux troublés, frissonnant…

— Je crois que je ne pourrai pas entrer, Alan ! murmura-t-il.

— Ça m’est égal, je n’ai pas besoin de vous, dit Campbell froidement.

Dorian entr’ouvrit la porte… À ce moment il aperçut en plein soleil les yeux du portrait qui semblaient le regarder. Devant lui, sur le parquet, le rideau déchiré était étendu. Il se rappela que la nuit précédente il avait