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DE DORIAN GRAY

— Souvent, trop souvent…

La duchesse soupira…

— Je cherche la paix, dit-elle, et si je ne vais pas m’habiller, je ne la trouverai pas ce soir.

— Laissez-moi vous cueillir quelques orchidées, duchesse, s’écria Dorian en se levant et marchant dans la serre…

— Vous flirtez de trop près avec lui, dit lord Henry à sa cousine. Faites attention. Il est fascinant…

— S’il ne l’était pas, il n’y aurait point de combat.

— Les Grecs affrontent les Grecs, alors ?

— Je suis du côté des Troyens ; ils combattaient pour une femme.

— Ils furent défaits…

— Il y a des choses plus tristes que la défaite, répondit-elle.

— Vous galopez, les rênes sur le cou…

— C’est l’allure qui nous fait vivre.

— J’écrirai cela dans mon journal ce soir.

— Quoi ?

— Qu’un enfant brûlé aime le feu.

— Je ne suis pas même roussie ; mes ailes sont intactes.

— Vous en usez pour tout, excepté pour la fuite.

— Le courage a passé des hommes aux femmes. C’est une nouvelle expérience pour nous.

— Vous avez une rivale.

— Qui ?

— Lady Narborough, souffla-t-il en riant. Elle l’adore.

— Vous me remplissez de crainte. Le rappel de l’antique nous est fatal, à nous qui sommes romantiques.