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DE DORIAN GRAY

allait à la ville consulter un docteur, et le priant de divertir ses invités pendant son absence. Comme il le mettait dans l’enveloppe, on frappa à la porte, et son valet vint l’avertir que le garde principal désirait lui parler… Il fronça les sourcils et mordit ses lèvres :

— Faites-le entrer, dit-il après un instant d’hésitation.

Comme l’homme entrait, Dorian tira un carnet de chèques de son tiroir et l’ouvrant devant lui :

— Je pense que vous venez pour le malheureux accident de ce matin, Thornton, dit-il, en prenant une plume.

— Oui, monsieur, dit le garde-chasse.

— Est-ce que le pauvre garçon était marié ? Avait-il de la famille ? demanda Dorian d’un air ennuyé. S’il en est ainsi, je ne la laisserai pas dans le besoin et je leur enverrai l’argent que vous jugerez nécessaire.

— Nous ne savons qui il est, monsieur. C’est pourquoi j’ai pris la liberté de venir vous voir.

— Vous ne savez qui il est, dit Dorian insoucieusement ; que voulez-vous dire ? N’était-il pas un de vos hommes ?…

— Non, monsieur ; personne ne l’avait jamais vu ; il a l’air d’un marin.

La plume tomba des doigts de Dorian, et il lui parut que son cœur avait soudainement cessé de battre

— Un marin !… clama-t-il. Vous dites un marin ?…

— Oui, monsieur… Il a vraiment l’air de quelqu’un qui a servi dans la marine. Il est tatoué aux deux bras, notamment.

— A-t-on trouvé quelque chose sur lui, dit Dorian en se penchant vers l’homme et le regardant fixement. Quelque chose faisant connaître son nom ?…

— Rien qu’un peu d’argent, et un revolver à six coups.