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DE DORIAN GRAY

— Vous ne savez pas son nom pourtant ? dit-il âprement.

— Non, répondit placidement sa mère. Il n’a pas encore révélé son nom. Je crois que c’est très romanesque de sa part. C’est probablement un membre de l’aristocratie.

James Vane se mordit la lèvre…

— Veillez sur Sibyl, mère, s’écria-t-il, veillez sur elle !

— Mon fils, vous me désespérez. Sibyl est toujours sous ma surveillance particulière. Sûrement, si ce gentleman est riche, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne contracte pas une alliance avec lui. Je pense que c’est un aristocrate. Il en a toutes les apparences, je dois dire. Cela pourrait être un très brillant mariage pour Sibyl. Ils feraient un charmant couple. Ses allures sont tout à fait à son avantage. Tout le monde les a remarquées.

Le jeune homme grommela quelques mots et se mit à tambouriner sur les vitres avec ses doigts épais. Il se retournait pour dire quelque chose lorsque Sibyl entra en courant…

— Comme vous êtes sérieux tous les deux ! dit-elle. Qu’y a-t-il ?

— Rien, répondit-il, je crois qu’on doit être sérieux quelquefois. Au revoir, mère, je dînerai à cinq heures. Tout est emballé excepté mes chemises ; aussi ne vous inquiétez pas.

— Au revoir, mon fils, dit-elle avec un salut théâtral.

Elle était très ennuyée du ton qu’il avait pris avec elle et quelque chose dans son regard l’avait effrayée.

— Embrassez-moi, mère, dit la jeune fille.

Ses lèvres en fleurs se posèrent sur les joues flétries de la vieille et les ranimèrent.