Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/46

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qu'il était évanoui dans une sorte d'extase, lorsqu'enfin

 la pleine lune apparut tout entière par
 l'ouverture du toit,
 Et inonda de ses flots de lumière le pavé de
 marbre. Alors l'aventureux adolescent s'élança de
 sa cachette, et ouvrant toute grande la porte de
 cèdre sculpté, il se vit devant une terrible image, au
 vêtement couleur de safran, en complète armure de
 bataille. Le griffon efflanqué brillait au sommet
 du vaste casque et la longue lance qui sème le naufrage
 et la ruine
 semblait une verge rougie au feu. La tête de Gorgone,
 faite de pierre et d'acier, ouvrait largement
 ses yeux morts, entrelaçait sur le bouclier ses
 horribles serpents, et restait bouche béante, les
 lèvres exsangues, glacées dans une impuissante fureur,
 pendant que, tout effarée, la chouette aux
 yeux éblouis, qui se trouvait aux pieds de la statue,
 poussait son ululement aigu.
 Le pêcheur solitaire qui ranimait son fanal, bien
 loin en mer, au large de Sunium, ou qui jetait le
 filet à prendre les thons, entendit le pas d'airain
 de chevaux qui frappait les vagues, et vit un terrible
 éclair déchirer les plis multiples des rideaux de la
 nuit, et il s'agenouilla sur la poupe étroite, et dans
 sa peur sacrée, il fit une prière.
 Et les amants coupables, au milieu même de leur