Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/67

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dont les eaux font un portique à Neptune et contemplons

 les monstres empourprés de l'abîme dans
 leurs jeux maladroits, voyons bondir de sa retraite
 le rusé Xiphias.
 «Car si ma maîtresse me surprend couchée ici,
 elle ne montrera nulle hésitation, nulle tendre
 pitié. Elle déposera l'épieu destiné au sanglier, et
 de ses doigts sévère, inexorable, elle tendra l'arc
 de cornouiller, et rapprochant de son sein la fente
 empennée de la flèche, elle lâchera la corde courbée.
 Oui, en cet instant même, elle est à ma recherche.
 «J'entends ses pas qui se hâtent. Debout, soldat,
 déserteur de la bataille amoureuse, fais-moi boire
 au moins une longue gorgée du vin de la passion,
 désaltère mon être assoiffé de ce délicieux nectar
 qui enivre même les dieux. Viens, mon amour,
 nous avons encore le temps d'atteindre la demeure
 bleue.»
 À peine avait-elle fini, que les arbres s'agitèrent
 d'un frisson. Le feuillage s'entr'ouvrit et l'on sentit
 bientôt la présence d'une divinité, et les flots gris
 rampèrent à reculons. Un long et effrayant rugissement
 sortit d'une trompe ornée de franges. Un
 chien de meute aboya, et pareil à une flamme un
 roseau empenné traversa la clairière en sifflant,
 et là même où les fleurettes de son sein venaient
 d'éclore dans leur éclat, cet amant meurtrier,