Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/94

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selon l'honneur naturel, ne point ployer le genou

 en de vains prosternements, que leur inutilité condamne:
 quelle alchimie pourrait me l'enseigner?
 Quelle herbe travaillée par Médée m'apportera la
 paix sans exaltation de l'être que rien ne fléchit?
 La corde mineure qui termine l'harmonie et qui
 attend vainement une réponse fraternelle, jette un
 sanglot sur sa mélodie restée inachevée, et meurt
 de la mort du cygne. Ainsi moi, l'héritier de la
 souffrance, Memnon silencieux aux yeux sans regard
 et sans paupière, j'attends la lumière et la
 musique de soleils qui ne se lèveront jamais.
 La torche éteinte, le sombre et solitaire cyprès,
 le peu de poussière recueillie dans une urne étroite,
 le doux chairi (mot grec) de la tombe attique, tout cela ne valait-il
 pas mieux que de revenir à mes capricieux et maladifs
 accès d'agitation d'autrefois, que de passer
 mes jours dans la muette caverne de la souffrance?
 Non, car peut-être ce dieu couronné de pavots
 est semblable au gardien qui, près du lit d'un malade,
 parle de sommeil, mais ne peut le donner.
 Sa baguette a perdu sa vertu, et pour tout dire d'un
 mot, la mort est une réponse trop brutale, une clef
 trop banale pour résoudre un seul mystère dans la
 philosophie d'une existence.
 Et l'Amour, cette noble folie, dont la puissance
 auguste, invincible, peut tuer l'âme de ses remèdes