Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

emmiellés? Hélas! il me faut jouer le rôle de

 fuyard, m'éloigner de cette ruine charmante, bien
 qu'une mémoire trop tenace ne puisse oublier la
 courbe magnifique de ce front olympien,
 qui, en une courte saison, fit de ma jeunesse une
 extase de si exquise indolence, que toutes les gronderies
 de la vérité plus prudente me semblaient la
 voix grêle de la jalousie! Oh! éloigne-loi d'ici,
 chasseresse plus fatale qu'Artémis, va chercher
 quelque autre proie, car à tes charmes trop périlleux
 mes lèvres ont assez bu!--Jamais, non jamais,
 quand même l'amour en personne tournerait sa joue
 dorée vers les flots troublés de ce rivage où j'ai été
 jeté comme une épave par le naufrage,--en cet
 instant même où les roues du char de la passion
 m'effleurent de trop près; loin d'ici! loin d'ici!
 je me voue à une vie plus stérile, plus austère.
 Plus stérile, oui! ces bras-ci ne se pencheront
 plus à travers le treillage des vignes pour attirer
 mon âme malgré sa douce résistance, par la verdure
 entrelacée. Une autre tête aura cette auréole
 à porter, car pour moi j'appartiens à Celle qui
 n'aime aucun homme, celle dont le sein blanc et
 pur porte le signe de la Gorgone.
 Que Vénus s'en aille prendre le menton de son page
 mignon, et lui emmêler sa chevelure frisée; que