Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Vous savez que la marée montante la trouble toujours un peu.

— Hum, dis-je, je l’ai vue pas mal boueuse, même au milieu du reflux.

Il ne fit pas de réponse, mais parut plutôt étonné, et comme il luttait justement contre la marée, et que j’avais ôté mes habits, je sautai dans l’eau sans plus de cérémonie. Naturellement, lorsque ma tête fut revenue au-dessus de l’eau, je me tournai contre la marée, et mes yeux cherchèrent le pont ; je fus tellement stupéfait de ce que je vis, que j’oubliai de nager vigoureusement, et revins sous l’eau en éclaboussant, et lorsque je remontai, j’allai droit au bateau ; car je sentais qu’il me fallait poser quelques questions à mon marinier, tellement avait été effarante la demie vue que j’avais eue de la surface de la rivière, avec de l’eau encore dans les yeux, bien qu’à ce moment je fusse débarrassé de ma sensation de somnolence et d’étourdissement, complètement réveillé, et l’esprit lucide.

Pendant que je montais les marches qu’il avait abaissées, et qu’il tendait la main pour m’aider, la marée nous faisait rapidement remonter vers Chiswick ; mais ensuite il reprit les avirons et retourna la barque, et dit :

— Courte séance, voisin ; mais peut-être vous trouvez l’eau froide ce matin, après votre voyage. Voulez-vous que je vous fasse atterrir tout de suite, ou aimeriez-vous descendre à Putney avant de déjeuner ?

Il parlait de façon tellement différente de ce