Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/159

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ru, assez mécontent d’être interrompu dans son histoire ; comment auraient-ils pu faire attention à de telles niaiseries que la qualité des marchandises qu’ils vendaient ? Les meilleures étaient d’une assez basse moyenne et les plus mauvaises étaient de simples pis-aller qu’on prenait en guise des objets demandés, mais qu’on n’aurait pas supportés si l’on avait pu avoir autre chose. C’était une plaisanterie courante de ce temps-là, que les produits étaient faits pour la vente et non pour l’usage ; plaisanterie que vous pouvez comprendre, vous qui venez d’une autre planète, mais nos gens ne le peuvent pas.

— Quoi ! ne faisaient-ils rien de bien ?

— Si, il y avait une catégorie de produits qu’ils fabriquaient absolument bien, et c’était la catégorie des machines qui servaient à fabriquer les objets. C’étaient habituellement des ouvrages tout à fait parfaits, admirablement appropriés à leur usage. En sorte que l’on peut dire que le grand exploit du dix-neuvième siècle a été la fabrication de machines, merveilles d’invention, d’habileté et de patience, dont on se servait pour la production d’innombrables quantités de pis-aller sans valeur. En réalité, les propriétaires de machines ne considéraient rien de ce qu’ils fabriquaient comme des produits, mais uniquement comme des moyens de s’enrichir. Bien entendu, le seul signe auquel on reconnaissait l’utilité des produits, était qu’il se trouvât des acheteurs — raisonnables ou stupides, peu importait.