Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/205

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Si quelque chose de ce genre fût arrivé quelques années plus tôt, lorsqu’on regardait encore les maîtres du travail comme les chefs naturels du peuple, et que même l’homme le plus pauvre et le plus ignorant se reposait sur eux comme sur un appui, tandis qu’ils prélevaient leur rançon, la dissolution de toute société aurait suivi. Mais la longue série d’années pendant lesquelles les ouvriers avaient appris à mépriser leurs maîtres avait aboli leur confiance en eux, et ils commençaient maintenant à se fier (non sans danger, comme l’événement le prouva) aux chefs extra-légaux que les faits avaient poussés en avant ; et, bien que la plupart de ceux-ci fussent maintenant devenus de simples étiquettes, leurs noms et leur réputation furent utiles dans cette crise comme cran d’arrêt.

Aussi, la nouvelle de la libération du Comité eut pour effet de donner au gouvernement le temps de souffler : car elle fut reçue avec la plus grande joie par les ouvriers, et même les gens à l’aise y virent un sursis à la ruine pure et simple qu’ils avaient commencé à craindre, et dont la plupart attribuaient la peur à la faiblesse du gouvernement. Au point où en étaient les choses, ils avaient peut-être raison en cela.

— Que voulez-vous dire ? demandai-je. Qu’est ce que le gouvernement aurait pu faire ? Je me suis souvent dit qu’il serait impuissant dans une telle crise.

Le vieil Hammond dit :

— Naturellement, je ne doute pas qu’à la longue les choses auraient abouti à peu près au même