Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/215

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— Lorsque la lutte fut véritablement engagée, on s’aperçut combien peu de choses de quelque valeur il y avait dans le vieux monde d’esclavage et d’inégalité. Ne voyez-vous pas ce que je veux dire ? À l’époque laquelle vous pensez, et que vous semblez si bien connaître, il n’y avait pas d’espoir ; rien que la triste secousse du cheval de moulin sous la contrainte du collier et du fouet ; à l’époque de combat qui suivit, au contraire, tout fut espoir ; du moins les « rebelles » se sentirent assez forts pour relever le monde de ses cendres, — et ils le firent ! dit le vieillard, dont les yeux flamboyaient sous ses épais sourcils. Il continua : Et leurs adversaires finirent au moins par apprendre quelque chose de la vie réelle, et de ses tristesses, dont ils — je veux dire leur classe — n’avaient rien vu. Bref, les deux combattants, le travailleur et « l’homme du monde », à eux deux…

— À eux deux, dis-je vivement, détruisirent le commercialisme !

— Oui, oui, oui, dit-il ; c’est cela. Et il n’aurait pu être détruit autrement ; sauf, peut-être, par la chute progressive de la société tout entière à quelques degrés plus bas jusqu’à ce qu’elle eût atteint un état aussi grossier que la barbarie, mais sans l’espoir ni les joies de la barbarie. Certainement le remède le plus violent, le plus court, était le plus heureux.

— Très certainement, dis-je.

— Oui, le monde était conduit à sa seconde naissance ; comment cela aurait-il pu se pro-