Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/242

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pas, il nous pria de venir chez lui. Très volontiers nous le suivîmes, et Clara lui prit la main d’une manière câline qui, je le remarquai, lui était familière avec les vieillards, et, chemin faisant, elle fit quelque réflexion banale sur la belle journée. Le vieillard s’arrêta brusquement, la regarda et dit :

— Cela vous plaît, vraiment ?

— Oui, dit-elle d’un air d’extrême surprise. Pas à vous ?

— Oh ! dit-il, peut-être. Cela me plaisait tout au moins lorsque j’étais plus jeune ; mais maintenant je crois que je préfère un temps plus doux.

Elle ne dit rien et continua, la nuit s’épaississant ; puis, tout au haut de la pente, nous arrivâmes à une haie, avec une porte ; le vieillard fit jouer le loquet et nous introduisit dans un jardin au fond duquel on pouvait voir une petite maison, dont une des petites fenêtres brillait de la lumière jaune des bougies. Nous pouvions voir, même sous la lumière indécise de la lune et la dernière lueur du couchant, que le jardin débordait de fleurs, et le parfum qu’elles exhalaient dans la fraîcheur tombante était si merveilleusement doux qu’il semblait le cœur même des délices du crépuscule de juin ; nous nous arrêtâmes tous les trois instinctivement et Clara émit doucement un léger « Oh ! » comme un oiseau qui va chanter.

— Qu’y a-t-il ? dit le vieillard avec un peu d’humeur en la tirant par la main. Il n’y a pas de chien ; avez-vous marché sur une épine qui vous a blessé le pied ?