Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/246

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que l’on écrit aujourd’hui, et une bonne, saine concurrence sans limite était le régime sous lequel ils ont été écrits, — si nous ne le savions par ce que l’histoire rapporte, nous le saurions par les livres eux-mêmes. On y trouve un esprit d’aventure et des preuves d’habileté à tirer le bien du mal qui manquent complètement à notre littérature actuelle, et je ne peux m’empêcher de croire que nos moralistes et nos historiens exagèrent énormément le malheur des temps passés, où ont été produites des œuvres aussi splendides d’imagination et d’intelligence.

Clara l’écoutait, clignant des yeux, comme excitée et heureuse ; Dick fronçait les sourcils et paraissait encore plus mal à son aise, mais ne dit rien. Peu à peu le vieillard, en s’échauffant, abandonna sa manière moqueuse, et parla et regarda très sérieusement. La jeune fille, avant que j’aie pu accoucher de la réponse que j’étais en train de composer, s’écria :

— Des livres, des livres, toujours des livres, grand-père ! Quand comprendrez-vous qu’après tout, c’est le monde dans lequel nous vivons qui nous intéresse, le monde dont nous sommes une partie et que nous n’aimerons jamais trop ? Regardez ! dit-elle, et elle ouvrit plus large la croisée, nous montrant la blanche lumière que la lune faisait briller parmi les ombres noires du jardin, où courait un léger frisson de vent d’été dans la nuit, regardez ! voilà nos livres aujourd’hui ! et les voilà, dit-elle, et elle s’approcha des deux amoureux et posa la main sur les