Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/248

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talent à conter des histoires, il y a en eux quelque chose de rebutant. Quelques-uns montrent par-ci par-là, il est vrai, quelque sentiment en faveur de ceux que les livres d’histoire appellent « pauvres », et dont nous nous représentons un peu les vies misérables ; mais aussitôt ils passent, et, à la fin du récit, il faut nous contenter de voir le héros et l’héroïne vivre heureux dans une île de béatitude au milieu des tourments des autres ; et cela, après une longue suite d’ennuis factices (ou pour la plupart factices) qu’ils ont eux-mêmes créés, agrémentés de mornes analyses absurdes sur leurs sentiments, leurs aspirations et tout le reste, tandis que le monde, même alors, a dû poursuivre sa voie, bêcher, coudre, cuire, construire et menuiser autour de ces… animaux inutiles.

— Oh ! oh ! dit le vieillard, revenant à sa manière sèche et maussade. Voilà de l’éloquence ! Vous aimez cela, je pense ?

— Oui, dis-je avec beaucoup d’emphase.

— Eh bien ! dit-il, maintenant que cet orage d’éloquence s’est calmé pour un moment, si vous répondiez à ma question ; — si cela vous convient, bien entendu, ajouta-t-il par un soudain accès de politesse.

— Quelle question ? demandai-je. Car je dois avouer que la beauté étrange et presque sauvage d’Ellen me l’avait fait oublier.

— Tout d’abord (pardonnez au questionneur), y a-t-il concurrence, selon l’ancienne mode, dans le pays d’où vous venez ?

— Oui, elle y est générale.