Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/249

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En disant ces mots, je me demandai dans quelles complications nouvelles j’allais être entraîné par ma réponse.

— Deuxième question, dit le vieux : n’êtes-vous pas beaucoup plus libres, plus énergiques — en un mot, plus sains et plus heureux — à cause de cela ?

Je souris :

— Vous ne parleriez pas ainsi, si vous aviez quelque idée de notre vie. Il me semble que vous vivez ici dans le ciel, en comparant avec notre vie dans le pays d’où je suis venu.

— Le ciel ? dit-il : vous aimez le ciel, n’est-ce pas ?

— Oui, dis-je d’un ton aigre, j’en ai peur ; car son « n’est-ce pas ? » commençait à m’agacer.

— Eh bien, je suis loin d’être sûr que je l’aime. Je crois qu’on a mieux à faire de sa vie qu’à s’asseoir sur un nuage de fumée et chanter des hymnes.

Je fus assez piqué de cette incohérence et dis :

— Eh bien, voisin, en peu de mots et sans métaphore, dans le pays d’où je viens, où la concurrence, qui a produit ces œuvres littéraires que vous admirez tant, est encore la règle, la plupart sont absolument malheureux ; ici, au moins, la plupart des hommes me paraissent parfaitement heureux.

— Vous pouvez le dire, Hôte, vous pouvez le dire ; mais, permettez-moi de vous demander : vous aimez cela, n’est-ce pas ?