Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/44

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costumes plus grossiers ; et eux-mêmes sont plus rudes d’aspect et plus hâlés. Mais il y en a qui aiment leur aspect mieux que le nôtre ; ils disent qu’il y a en eux plus de caractère… c’est le mot. Enfin c’est une affaire de goût. Quoi qu’il en soit, le croisement entre eux et nous, en général, tourne bien, ajouta-t-il d’un air réfléchi.

Je l’entendais, bien que mes yeux fussent dirigés du côté opposé, car cette jolie fille était justement en train de disparaître par la porte avec son grand panier de pois nouveaux, et j’éprouvais cette sorte de sentiment de déception qui nous envahit, lorsque nous avons vu dans la rue une figure intéressante ou charmante, que nous ne reverrons probablement jamais ; et je restai un moment silencieux. Je repris enfin :

— Ce que je veux dire, c’est que je n’ai pas vu du tout de pauvres gens, pas un.

Il fronça les sourcils, parut embarrassé, et dit :

— Non, bien entendu ; si quelqu’un va mal, il y a des chances pour qu’il reste à la maison, ou tout au plus qu’il se traîne dans le jardin ; mais je ne sache pas que personne soit malade pour le moment. Pourquoi vous attendre à voir de pauvres gens sur la route ?

— Non, non, dis-je ; je ne veux pas dire des gens malades, je veux dire de pauvres gens ; vous savez, des gens grossiers.

— Non, dit-il avec un gai sourire, je n’en connais vraiment pas. Le fait est qu’il faut que