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compartiments de la dimension d’un cercueil sans couvercle où les prêtres déposent les cadavres nus. Les vautours, perchés sur les murs de la tour, s’y précipitent et les dévorent. Ce qui reste est fondu par le soleil ou lavé par les pluies. Les ossements sont jetés dans la fosse circulaire du centre où ils gisent jusqu’à complet effritement. Quatre conduits reçoivent cette poussière que l’eau purificatrice entraîne dans la terre. Le plancher en ciment est de forme concentrique. La partie supérieure est réservée aux hommes, celle du milieu aux femmes, et celle du centre, près de la fosse, aux enfants. Il est interdit à tout mortel, excepté aux prêtres, d’entrer en ce triste lieu.

Les aéroplanes sont défendus à Bombay, pour prévenir toute indiscrétion ou profanation. Nous avons vu un cortège funèbre arriver par le grand escalier de pierre. Sur une civière enveloppée de blanc, un cadavre était porté sur les épaules des porteurs vêtus de blanc et attaché à la civière par des cordons blancs. Deux prêtres et les parents suivaient, vêtus de blanc aussi : c’est le costume de deuil.

Dans le temple, le feu sacré, entretenu par les prêtres, brûle jour et nuit. Il y a cinq tours du silence affectées l’une aux nobles, l’autre aux riches, une autre aux pauvres, celle-ci à ceux qui meurent dans les hôpitaux en présence des infidèles, celle-là aux suicidés.

Dans le jardin attenant, des bancs sont réservés aux parents qui désirent voir une dernière fois leurs chers défunts avant qu’ils ne franchissent le seuil de la porte fatale qu’ils franchiront un jour eux-mêmes s’ils meurent dans la foi de Zoroastre. Nous nous asseyons un instant sur ces bancs ; les vautours énormes et repus planent au-dessus de nos têtes. Je me sens un peu mal à l’aise ; je crains que ces oiseaux, à mine farouche et de mauvais augure, ne laissent tomber, de leurs serres sur mon helmet ou mes genoux, le doigt, le nez ou l’oreille d’un trépassé nouvellement arrivé. Fuyons ce séjour lugubre.