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ASIE — JAPON — YOKOHAMA — TOKIO

Les geishas, accroupies, y réparent leur toilette. Libre à vous de prendre la même position. Je ne m’y suis miré que les pieds ; impossible d’y refléter toute ma personne.

Le thé fut servi en face de nos coussins moelleux ; nous l’avons dégusté, après avoir pris de notre mieux la position classique ; nous savourons aussi des gâteaux sucrés, de six pouces de diamètre par un pouce d’épaisseur, d’un goût exquis.

Grâce à notre guide, Tanaka San, nous avons causé avec ces demoiselles ; pas très intéressantes, les petites !

Ces maisons de thé ne sont pas ce qu’un vain peuple pense ; elles sont une institution nationale et me font l’effet de jouer le rôle du « five o’clock » chez nous. Il y en a sans doute de tous les caractères, car il en existe, un peu partout, dans les divers quartiers, sur les plages, le long des routes. La vue de la véranda donne sur des jardins boisés et fleuris et sur une grande partie de la ville. Tokio, vu son immense étendue, ne peut être embrassée dans son ensemble.

Au bas de la colline, on voit les tombeaux et les temples des shoguns et le fameux cimetière des quarante-sept Ronins, les grands martyrs de la fidélité au devoir. Nous descendons ; le guide m’indique, avec un religieux respect, une inscription, près d’une petite source dont l’eau de cristal coule, sans bruit, à travers le gazon sous les grands cryptomerias.


« Ici la tête a été lavée ;
« N’y trempez ni vos mains ni vos pieds. »


dit l’inscription.

Depuis, cette source est maudite ; personne n’y puise, car c’est ici que la tête de l’infâme Kira-Kotsuké-No-Suké (quelques historiens lui donnent le nom de Moranowo) a été lavée, après avoir été tranchée par l’un des quarante-sept Ronins.

Il y a plus de neuf siècles (1073), vivait au Japon le célèbre Asano, prince aimé de ses vassaux. Insulté, chez l’empereur, par un autre grand dignitaire de l’Empire, Kira-Kotsuké-No-Suké, il ne put contenir son indignation ;