Page:Wylm - L'Amant de la momie, paru dans Le Matin, 24-10-1912 au 06-12-1912.djvu/15

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particulières, et il reconnut vite qu’il avait affaire à ce qu’il appelle naïvement un esprit. Il identifia, à tort ou à raison, la femme qui avait poussé la roue avec la momie que nous transportions.

— Mais ce n’est là qu’une vulgaire hallucination, mylord, déclara Smith en invoquant la déesse Neith.

Lord Charing ne prit pas garde à l’interruption du savant et continua son récit :

— Mac Donald ne raconta pas tout de suite son étrange aventure. Il est prudent et réservé, car il redoute les moqueries auxquelles il est très sensible. Son hallucination, si vous préférez ce mot à celui de vision, réveilla la crainte qu’il avait déjà manifestée au sujet de la momie, dont il pressentait la néfaste influence. À dater de ce jour, l’ombre s’acharna sur lui, protestant contre la violation de sa sépulture, jurant qu’elle ferait sombrer le navire et périr tout l’équipage.

» Elle faillit tenir parole. Trois ou quatre jours après le départ, dans le détroit de Messine, une tempête soudaine éclata. Le vent soufflait avec une force inouïe, et les courtes vagues de la Méditerranée brisaient sans relâche sur le pont. Le navire fatiguait beaucoup et l’endroit était périlleux. C’est là que les anciens plaçaient Charybde et Scylla, dont ils redoutaient le voisinage. Le Thistle fut drossé par le courant, et c’est miracle s’il n’alla pas à la côte.

» Et savez-vous à quel moment la tempête commença à se calmer ? Lorsque Mac Donald eut fait une chute grave, qui détermina une fracture compliquée du bras.

» Malgré les soins qui lui furent prodigués, malgré les précautions prises, la plaie s’envenima, et l’on dut amputer mon marin quinze jours après l’arrivée du yacht à Cowes. »

Lord Charing, au point où il en était arrivé, n’avait pas terminé l’histoire de la momie, mais le temps marchait. Il ne pouvait prolonger sa visite. Il consulta sa montre et se leva brusquement :

— J’abuserais de vous en prolongeant cet entretien, M. Smith, d’autant plus que la suite de ma narration a été rédigée par mon secrétaire, et que vous pourrez en prendre connaissance. Je vous laisse mon manuscrit, je viendrai le chercher demain, en vous demandant votre décision au sujet de l’offre de ma merveille.

Et lord Charing prit congé de John Smith.