Page:Wyzewa - Beethoven et Wagner, 1898.djvu/188

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croyait être ; aucun n’a vu netlement l’opinion que son ami se faisait de lui. Ainsi durant sept ans, à travers les phases successives de leur amitié, ils sont restés étrangers l’un à l’autre. Et cela était fatal. Tout les y condamnait, la différence de leurs âges, leur éducation, leur caractère, tout jusqu’aux circonstances où ils s’étaient rencontrés.

Lorsque, le 15 mai 1869, Richard Wagner reçut pour la première fois la visite de Frédéric Nietzsche, dans sa villa des environs de Lucerne, il avait cinquante-sept ans. Il avait écrit Tristan et Isolde, les Maîtres Chanteurs et la plus grande partie de l’Anneau du Nibelung. La pleine gloire ne lui était pas venue encore ; mais déjà son génie avait provoqué, dans le monde entier, des admirations enthousiastes et des dévouements passionnés. Une seule chose, désormais, lui tenait au cœur : la réahsation de son vieux rêve artistique, la fondation d’un théâtre modèle où il pût monter à sa g-uise l’œuvre colossale qu’il allait achever. Joignons-y que son œuvre de théoricien, elle aussi, était presque achevée, que, depuis vingt ans, il avait exposé son plan de réformes, ainsi que les principes