Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/16

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sulter l’oracle de Delphes. Xénophon obéit ; mais, au lieu de s’enquérir s’il doit, ou non, embrasser la cause de Cyrus, il ne consulte le dieu que sur les moyens d’accomplir son voyage. Socrate, tout en le blâmant un peu de ce subterfuge, lui conseille de partir, et Xénophon va rejoindre Proxène, qui le présente à Cyrus, dont il gagne la confiance et l’amitié.

On peut lire dans l’Expédition de Cyrus le récit des faits qui se passent en Asie durant le séjour de Xénophon, la lutte de Cyrus le jeune et de son frère Artaxercès ; la marche de l’armée perse et des quinze mille volontaires grecs à travers la Phrygie, la Lycaonie et la Cilicie ; la bataille de Cunaxa ; les perfidies de Tissapherne ; l’énergie et l’héroïsme de Xénophon, élu général après le meurtre de Cléarque et des autres stratèges ; les épisodes émouvants de la retraite des Dix mille ; enfin le retour presque inespéré des Grecs dans leur patrie.

Quand Xénophon revient à Athènes, il n’y trouve plus son maître bien-aimé : les accusateurs du grand philosophe ont triomphé : Socrate a bu la ciguë. Xénophon s’élève de toute la force de son dévouement et de son indignation contre cette sentence inique. Il écrit l’Apologie et les Mémoires, protestation éloquente de la justice et de l’affection en faveur de la vertu persécutée par la jalousie et par le mensonge. Mais si cette courageuse défense fait honneur au caractère noble et généreux de Xénophon devant la postérité, elle le rend suspect à ses concitoyens. Comme le craignait Socrate, l’amitié dont l’avait honoré Cyrus ne fait qu’irriter contre lui l’esprit inquiet et défiant des Athéniens, alliés du roi Artaxercès, et, en dernier lieu, sa liaison étroite avec Agésilas, roi de Sparte, achève de le perdre. On l’accuse de laconisme, c’est-à-dire d’attachement à Lacédémone, et on le condamne à l’exil. Et de fait, il n’est point étonnant que Xénophon, cœur droit, nature loyale et franche, ait été pris de dégoût à la vue des déportements de la démagogie athénienne, et que, fidèle aux doctrines de Socrate, il se soit montré plus prêt, avec ses amis à voir la véritable cité grecque dans l’aristocratie