Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/160

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résument dans la sagesse : car toutes les actions justes et vertueuses sont en même temps belles et bonnes ; or, ceux qui les connaissent ne peuvent plus rien leur préférer, et ceux qui ne les connaissent pas, non-seulement ne peuvent y atteindre, mais, s’ils l’essayent, ils ne font que des fautes : de la même manière les hommes sages font des actions belles et bonnes, tandis que ceux qui ne sont pas sages n’en peuvent faire, ou, s’ils l’essayent, ils ne font que des fautes. Ainsi, puisque ce qui se fait de juste, de bien et de bon, se rattache à la vertu, il est clair que la justice et toutes les autres vertus constituent la sagesse.

La folie lui paraissait bien être le contraire de la sagesse ; cependant il ne regardait pas l’ignorance comme une folie ; mais ne se point connaître soi-même et croire qu’on sait ce qu’on ignore, c’est, à ce qu’il disait, toucher de bien près à la démence. Il ajoutait que la multitude ne regarde pas comme des insensés ceux qui se trompent sur des objets inconnus à la plupart des hommes, tandis qu’elle traite de fous ceux qui se trompent dans des choses connues de tout le monde. Par exemple, si un homme se croit assez grand pour ne pouvoir, sans se baisser, passer sous les portes d’une muraille, assez fort pour essayer d’enlever des maisons, ou pour entreprendre des choses dont tout le monde reconnaît l’impossibilité, on dit qu’il est fou ; mais si l’on ne commet que des fautes légères, on n’est pas traité de fou par la multitude ; et, comme on n’appelle amour qu’une violente affection, de même on ne donne le nom de folie qu’à une grande démence.

Examinant quelle est la nature de l’envie, il ne trouvait pas que ce fût ce sentiment douloureux causé par les malheurs de nos amis ou par la prospérité de nos ennemis, mais il n’appelait envieux que ceux qui s’affligent du bonheur de leurs amis. Quelques personnes s’étonnant qu’on pût éprouver de l’amitié pour quelqu’un et souffrir de son bonheur, il leur faisait remarquer que bien des gens sont incapables d’abandonner leurs amis dans le malheur, et secourent leur infortune, mais s’affligent pourtant de leur prospérité. Il ajoutait que ce sentiment n’entre jamais dans le cœur du sage, mais qu’il est ordinaire aux sots.

Recherchant ce qu’est l’oisiveté, il disait qu’il voyait la plupart des hommes toujours occupés à quelque chose : car, enfin, les joueurs de dés et les bouffons sont occupés ; mais il les traitait cependant d’oisifs, puisqu’ils pouvaient faire mieux ;