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DE L’ÉCONOMIE[1].



CHAPITRE PREMIER.


Principes de l’économie : c’est l’art de gouverner sa maison ou celle d’un autre ; mais cette science ne suffit pas pour faire un bon père de famille, il faut encore être libre des mauvaises passions.


J’ai entendu un jour Socrate s’entretenir ainsi sur l’économie : « Dis-moi, Critobule[2], l’économie a-t-elle un nom de science comme la médecine, la métallurgie et l’architecture ? — Je le crois, dit Critobule. — Oui, mais de même que nous pouvons déterminer l’objet de chacun de ces arts, pouvons-nous dire aussi ce que l’économie a pour objet ? — Je crois, dit Critobule, qu’il est d’un bon économe de bien gouverner sa maison. — Et la maison d’un autre, dit Socrate, si on l’en chargeait, ne pourrait-il pas, en le voulant, la gouverner aussi bien que la sienne ? Celui qui sait l’architecture peut aussi bien travailler pour un autre que pour lui : il en est de même de l’économie. — Je le crois, Socrate. — Ainsi, reprit Socrate, celui qui, connaissant la science économique, se trouverait sans bien, pourrait comme gouverneur de maison, ainsi que le

  1. J’ai préféré ce titre à celui d’Économique, par lequel on désigne parfois l’ouvrage de Xénophon. Étienne de La Boëtie, l’ami de Montaigne, auteur d’une traduction de ce dialogue, l’avait parfaitement intitulé la Mesnagerie. Le mot n’a plus cours aujourd’hui, mais il exprime bien l’idée de l’auteur grec. M. Legouvé, de l’Académie française, qui a donné, il y a quelques années, dans le Magasin pittoresque, une analyse très-judicieuse de ce dialogue de Xénophon, en a eu sous les yeux une traduction très-rare, faite par Pyramus de Candolle, un des ancêtres de l’illustre botaniste. Je regrette de n’avoir pu me la procurer. Mais je signalerai au lecteur un excellent livre à rapprocher de celui de Xénophon : c’est l’ouvrage de M. L. Mézières, intitulé l’Économie, ou remède au paupérisme. M. Mézières appelle quelque part Xénophon l’un des plus aimables écrivains de l’antiquité ; il a bien fait de traiter son devancier en termes courtois : on ne doit jamais dire de mal des gens de sa famille.
  2. Sur Critobule, voy. Mémoires, II, chap. vi.