Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ischomachus, que celui que tu viens de dire ; il me paraît bien doux, Socrate, de traiter magnifiquement les dieux et mes amis, s’ils sont dans le besoin, de venir en aide à la ville, et de contribuer, autant que je puis, à l’embellir. — Tout ce que tu dis là, Ischomachus, est fort beau, et ne convient qu’à un homme puissamment riche. Le moyen de le nier, quand on voit tant de citoyens hors d’état de subsister sans la générosité des autres, tant d’autres s’estimant heureux de se procurer le strict nécessaire ? Et ceux qui peuvent non-seulement administrer leur maison, mais gagner encore de quoi embellir la ville et venir en aide à leurs amis, comment ne pas les appeler opulents et puissants ? Oui, ajoutai-je, nous pourrions faire ce compliment à bien des hommes. Mais toi, Ischomachus, dis-moi, puisque c’est par là tu que as commencé, par quels moyens tu t’es fait la santé, comment tu as développé ta force physique ; ensuite, comment il t’est permis sans honte de n’avoir rien à redouter de la guerre ; tu me parleras enfin des moyens de faire fortune, et je t’écouterai avec plaisir.

— Tous ces avantages, Socrate, reprit Ischomachus, ont entre eux, à mon avis, une liaison intime. Un homme qui a de quoi manger doit naturellement par le travail fortifier sa santé, et par un travail continu développer ses forces ; exercé au métier de la guerre, il doit s’en tirer honorablement ; industrieux et ennemi de la mollesse, il doit naturellement augmenter son avoir. — Jusque-là, Ischomachus, repris-je, je suis parfaitement ton raisonnement, quand tu dis que l’homme qui travaille, qui s’occupe, qui s’exerce, obtient plus sûrement ces avantages ; mais quels exercices faut-il pour se procurer une constitution bonne et vigoureuse ? Comment t’endurcis-tu au métier des armes ? À quels moyens dois-tu l’excédant qui te permet de secourir tes amis et d’embellir la ville ? Voilà ce que je serais curieux d’apprendre.

— Eh bien, Socrate, dit Ischomachus, j’ai l’habitude de sortir du lit à l’heure où je puis encore trouver au logis les personnes que je dois voir. Quand j’ai quelque affaire dans la ville, je m’en occupe, cela me sert de promenade. Si je n’ai rien d’indispensable à la ville, un garçon mène devant moi mon cheval à la campagne, et cette promenade de la ville aux champs me plaît cent fois plus, Socrate, que si je me promenais dans le Xyste[1]. Dès que je suis arrivé à la campagne, si

  1. Partie d’une palestre chez les anciens Grecs, long portique couvert où les athlètes s’exerçaient pendant l’hiver : il avait 22 pieds de large (6m,60),