Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/326

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convaincu, d’où vient que tu ne te délivres pas d’un si grand mal ? Comment se fait-il que ni toi, ni un autre ne se soit jamais dessaisi volontairement de la tyrannie, dès qu’une fois il en a eu pris possession ? — Mais, Simonide, c’est pour cela même que la tyrannie est infiniment misérable ! On ne peut s’en défaire. Le moyen qu’un tyran trouve assez de richesses pour payer ceux qu’il a dépouillés, dédommager ceux qu’il a chargés de fers, rendre la vie à tant de gens qu’il a fait mettre à mort ? Ah ! Simonide, s’il est avantageux à qui que ce soit de se pendre, sache-le, c’est au tyran surtout, selon moi, qu’il est utile d’en venir là, puisque seul il ne gagne rien à garder une mauvaise chose ou à s’en défaire. »



CHAPITRE VIII.


Objections de Simonide. — Réponse d’Hiéron. — Conseils de Simonide.


Simonide poursuivant : « Maintenant, Hiéron, dit-il, ton dégoût de la tyrannie ne me surprend plus, puisque, désirant d’être aimé des hommes, tu l’y crois un obstacle. Cependant, je pense pouvoir te démontrer que l’autorité suprême n’empêche pas de se faire aimer, mais qu’elle a même des avantages sur la condition privée. Afin de nous en convaincre, n’examinons pas si le pouvoir met mieux le tyran à portée d’obliger par des services éminents ; mais, en supposant toutes choses égales entre le tyran et le particulier, considère toi-même lequel des deux, sur un même objet, oblige davantage. Je commencerai par des exemples d’une médiocre importance. Et d’abord qu’un tyran et un particulier regardent et abordent affectueusement la même personne ; dans cette rencontre, lequel des deux croyez-vous qui se fasse écouter avec plus de plaisir ? Que tous les deux donnent des louanges ; de qui les éloges iront le plus directement au cœur ? Après un sacrifice, que chacun d’eux fasse une invitation ; auquel des deux penses-tu qu’on saura le plus de gré de cet honneur ? Qu’ils soignent également un malade ; n’est-il pas évident que ce sont les services du plus puissant qui causent le plus de joie ? Qu’ils donnent tous deux des choses d’une égale valeur ; n’est-il pas évident encore que les demi-faveurs du plus puis-