Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/378

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faudra battre en retraite, je dis qu’alors il faut faire marcher plutôt peu que beaucoup de monde, mais surtout des chevaux et des hommes d’élite. Avec de pareilles troupes, on pourra faire quelque chose, et battre sûrement en retraite. Si, au contraire, on mène tous ses gens contre un ennemi supérieur, et qu’on veuille ensuite se retirer, ceux qui ont des chevaux trop lourds seront pris infailliblement, la maladresse eu fera tomber d’autres, et d’autres seront arrêtés par les mauvais chemins, vu qu’il n’est pas facile de trouver toujours un terrain aussi découvert qu’on pourrait le souhaiter. Aussi peut-il arriver que le nombre fasse renverser les hommes les uns sur les autres et qu’il naisse mille obstacles, source de maux réciproques. Au contraire, de bons soldats et de bons chevaux sont en état de se tirer eux-mêmes d’affaire, surtout si l’on occupe le reste de sa cavalerie à tenir en respect l’ennemi qui poursuit[1]. C’est alors que les fausses embûches ont leur utilité. Il ne sera pas mauvais non plus de chercher de quel lieu les troupes amies peuvent se montrer sans risque pour ralentir la poursuite de l’ennemi. Il est encore évident que, pour ce qui est de la fatigue et de la vitesse, un petit nombre est plutôt capable de l’emporter sur un grand, qu’un grand sur un petit.

Non pas que je veuille dire qu’il est plus facile, parce qu’on est peu, de supporter la fatigue et de gagner de vitesse ; mais je dis qu’il est plus facile de trouver moins que beaucoup de cavaliers qui soignent leurs chevaux comme il faut, et qui soient expérimentés dans l’équitation.

S’il arrive qu’on ait à combattre une cavalerie égale en nombre, je pense qu’il n’est pas mal de partager l’escadron en deux corps, l’un commandé par le phylarque, l’autre par l’officier qui paraît le plus capable. Celui-ci se placera à la queue de la division du phylarque ; puis, arrivés devant l’ennemi, à un signal donné, il chargera. Je crois que c’est là un excellent moyen d’épouvanter l’ennemi et d’être soi-même plus difficile à combattre. Si ces deux divisions sont renforcées de fantassins qui, cachés derrière les cavaliers, se découvrent tout à coup et marchent en bon ordre, il me semble qu’ils contribueront singulièrement à la victoire. Je vois en effet que, si un bonheur inattendu cause plus de joie chez les hommes, un revers inopiné cause plus d’épouvante. On s’en

  1. Cf. Tite Live, V, xxxviii.