Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/403

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chacune doit gîter le sien. Elles les couchent, les allaitent, regardent de tous côtés si on les voit ; après quoi chacune d’elles se porte en avant pour garder son petit. À cette vue, le veneur découple les chiens, prend ses javelots et va droit au premier faon, à l’endroit où il l’a vu couché, se rappelant bien les lieux, de peur de méprise : vus de près, en effet, leur aspect change ; ils sont tout autres qu’ils paraissaient de loin.

Quand on a reconnu le faon, on s’approche : il ne bouge pas, rasé à terre, et se laisse emporter, s’il n’est mouillé, en bramant de toutes ses forces. S’il est mouillé, il n’attend pas : l’humidité qui le pénètre, se condensant par le froid, le fait partir. Il est pris par les chiens, qui le poursuivent de vitesse ; puis on le donne au garde-filets ; il brame de plus belle : la biche le voyant, l’entendant, accourt sur celui qui tient son faon et cherche à le lui arracher. C’est le moment d’animer les chiens et d’user des javelots. Maître du faon, on passera aux autres, et l’on emploiera avec eux le même genre de chasse.

Voilà comme on prend les jeunes faons : ceux qui sont déjà grands donnent plus de mal, parce qu’ils vont au viandis avec leurs mères et d’autres cerfs. Poursuivis, ils se sauvent au milieu et en avant de la troupe, rarement en arrière. Alors les biches, défendant leurs petits, lancent des ruades aux chiens, de sorte qu’on a peine à les prendre, à moins qu’on ne s’élance dans la mêlée, et qu’on ne les disperse en isolant l’un d’eux. Après cet effort, les chiens sont gagnés à la première course, parce que le faon est consterné de l’éloignement de la bande, et qu’il n’y a pas de vitesse comparable à celle d’un cerf de cet âge-là ; mais, à la seconde et à la troisième course, ils sont pris, leur corps n’étant pas encore assez formé pour une fatigue qu’ils ne peuvent supporter.

On tend aussi des piéges aux cerfs sur les montagnes, autour des prairies, près des cours d’eau et des bocages, dans les bivoies, dans les cultures, dans tous les endroits dont ils s’approchent. Les piéges sont de branches d’if brisées, dépouillées de leur écorce, afin qu’elles ne se pourrissent point. Les couronnes, de forme circulaire, sont garnies alternativement, dans leur tissu, de clous de fer et de bois : les clous de fer sont plus longs, afin de serrer les pieds de l’animal, tandis que ceux de bois céderont. Le nœud du cordeau, placé sur la couronne, doit être tissu de sparte, ainsi que le cordeau lui-même, cette plante n’étant point sujette à se pourrir. Le