Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/441

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« Quant à vous, jugez selon la loi, et respectez les dieux et vos serments ; craignez de servir les intérêts des Lacédémoniens, en condamnant illégalement, sans forme de procès, des hommes qui viennent de les battre et de leur enlever soixante-dix navires. Que craignez-vous, pour agir avec tant de précipitation ? Est-ce que vous ne pouvez pas faire périr ou libérer qui bon vous semble, en jugeant d’après la loi, et non contre la loi, comme le voudrait Callixène, qui a persuadé au conseil de proposer au peuple de tout englober dans un seul vote ? Peut-être ferez-vous périr quelque innocent, et plus tard vous vous en repentirez. Songez alors quelle douleur stérile, surtout si c’est la mort d’un homme que vous avez à vous reprocher. Votre conduite serait étrange, si Aristarque, après avoir d’abord aboli la démocratie et livré Œnoé aux Thébains, vos ennemis[1], eût obtenu de vous un jour pour se défendre comme il l’entendait, et qu’alors tout se soit passé selon les lois, tandis que ces stratéges, qui ont tout fait à votre gré et vaincu vos ennemis, seraient privés des mêmes droits. Mais non, vous ne le voudrez pas, Athéniens : respectant ces lois que vous avez établies, et par lesquelles vous êtes devenus si grands, n’essayez jamais de rien faire contre elles.

« Reportez-vous aux circonstances mêmes qui ont causé la faute de vos stratéges. Vainqueurs dans la bataille navale, ils étaient revenus à terre : Diomédon veut que tous les vaisseaux aillent à la file les uns des autres recueillir les épaves et les naufragés, tandis qu’Érasinide demande que la flotte entière se porte au plus vite contre l’ennemi à Mytilène. Thrasyllus dit que les deux opinions peuvent se concilier, si on laisse une partie des vaisseaux Sur le lieu du combat et qu’on vogue avec les autres contre les ennemis. Cet avis prévaut : l’on décide que chacun des huit stratéges laissera trois vaisseaux de la division, auxquels on ajoutera les dix vaisseaux des taxiarques, les dix des Samiens et les trois des navarques. Cela faisait ensemble quarante-sept vaisseaux, quatre pour chacune des trirèmes submergées. Au nombre des taxiarques laissés à la tête de cette division étaient Thrasybule et Théramène, celui qui, dans l’assemblée précédente, accusait les stratéges : le reste de la flotte cingle contre l’ennemi.

« Qu’y a-t-il dans tout cela qui ne soit sage et bien concerté ?

  1. Voy. Thucydide, VIII, lxvii et xcviii.