Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/466

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assiégeant par terre et par mer et en leur coupant les vivres, obtient que l’on consacre cent talents à cette expédition et qu’on l’envoie par terre en qualité d’harmoste, et son frère Libys comme chef de la flotte. Il part lui-même pour Éleusis, et réunit un grand nombre d’hoplites péloponésiens. Le navarque veille par mer à ce qu’il n’arrive aucune espèce de vivres aux assiégés ; de sorte que les gens du Pirée sont bientôt dans la détresse, tandis que ceux de la ville relèvent la tête à l’arrivée de Lysandre.

Les choses en étaient à ce point, lorsque le roi Pausanias, jaloux de Lysandre, et craignant que, s’il réussit, non-seulement il n’acquière de la considération, mais encore il ne réduise Athènes sous sa domination particulière, gagne trois des éphores, et sort avec la garnison, suivi de tous les alliés, sauf les Béotiens et les Corinthiens. Ces derniers disent qu’ils croiraient manquer à leurs serments en marchant contre les Athéniens, qui n’ont point violé les traités. Au fond, ils agissaient ainsi, parce qu’ils savaient que les Lacédémoniens voulaient s’approprier et s’assujettir le territoire athénien. Pausanias place son camp près du Pirée, dans l’endroit nommé Halipède[1] ; il commandait l’aile droite, et Lysandre la gauche avec les mercenaires. Pausanias envoie des députés à ceux du Pirée, pour leur enjoindre de regagner leurs foyers. Ils refusent ; alors il fait mine de les attaquer, afin qu’on ne voie pas qu’il leur est favorable. Il se retire ensuite sans même avoir donné l’attaque. Le lendemain, il prend deux mores lacédémoniennes, trois escadrons de cavaliers athéniens, et s’avance vers le port obstrué[2], examinant la partie du Pirée où l’on pourrait le plus facilement établir les travaux de siége. Cependant quelques troupes étaient venues inquiéter sa retraite. Irrité, il ordonne à ses cavaliers de les charger, et les fait suivre de tous ceux qui ont dix ans de plus que la jeunesse : lui-même il s’avance avec le reste de ses soldats. Ils tuent une trentaine de soldats légers et poursuivent les autres jusqu’au théâtre du Pirée, où tous les peltastes et tous les hoplites renfermés dans la place se trouvaient sous les armes. Alors les troupes légères font une sortie et envoient à l’ennemi des javelots, des lances, des flèches et des pierres : les Lacédémoniens ont un grand nombre de blessés, et, se voyant serrés de très-

  1. Plaine salée.
  2. Littéralement le port muet, inutile, c’est-à-dire, suivant quelques-uns, le port de Munychie.