Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/49

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Or, c’est une remarque de Fénelon, mise en lumière et en circulation par le meilleur éditeur de sa Lettre à l’Académie : « En tout art et en toute science, où il s’agit de la pratique, ceux qui n’ont qu’une pure spéculation ne sauraient bien écrire. » Rien n’est plus sensé que cette observation, appliquée à la Retraite des Dix mille ; et les Commentaires de César, les Histoires de Tacite, la Chronique de Ville-Hardouin, les Mémoires de Joinville et le Mémorial de Sainte-Hélène viennent en confirmer la justesse. Mais à cette première condition, requise chez l’auteur d’un excellent ouvrage d’histoire, s’ajoutait chez Xénophon la qualité essentielle, souveraine, pour bien écrire : il avait plus de quarante ans, c’est-à-dire l’âge où se sont exécutées en littérature, dans les arts, dans la politique, toutes les œuvres grandes, fortes, et qui durent.

Tout imbu des doctrines de Socrate, et façonné par son exemple, il apportait à l’observation des faits, aussi bien qu’à l’action, un esprit droit, une imagination vive, un cœur généreux, un corps énergique et préparé aux rudes travaux. C’est, en effet, l’alliance de ces dons heureux de la nature, développés par l’exercice, et dont la diversité ne trouble point l’harmonie, qui fait du livre de Xénophon la lecture la plus ravissante et en même temps la plus instructive. Rapportons-nous-en, à cet égard, au jugement d’un ancien qui avait étudié à fond les œuvres de Xénophon, qui en a reproduit souvent dans ses œuvres le style et les idées, et qui joignait au talent oratoire le don plus rare du sentiment et de l’émotion vraie : je veux parler de Dion Chrysostome. Voici ce qu’il dit de son auteur de prédilection, de son modèle favori : « Xénophon, à lui seul, parmi les anciens, peut, selon moi, suffire à un homme public. Un général d’armée en guerre, un homme à la tête de l’État, un orateur à l’assemblée populaire, au sénat, au tribunal, veut-il parler comme il convient non-seulement à un rhéteur, mais à un homme public et investi d’un grand pouvoir, dans ces différentes positions, l’étude la meilleure, à mon sens, et la plus utile, c’est la lecture de Xénophon. Les pensées, en effet, sont claires, simples, intelligibles