Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/574

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Polydamas, que ta patrie ne voit que par toi ; si donc tu l’amènes à me devenir amie, je te promets de te rendre, après moi, le plus grand homme de la Grèce. Apprends dans quelles affaires je te donne la première place, et ne me crois que quand le raisonnement te montrera que je dis vrai. N’est-il pas clair pour nous deux que, Pharsale étant à moi ainsi que les autres villes de votre dépendance, je me constituerais facilement chef absolu[1] de tous les Thessaliens, et que, quand la Thessalie est réunie sous un pareil chef, la force de la cavalerie s’éleva à six mille hommes et celle des hoplites à plus de dix mille ? Quand je considère le corps et le courage de ces troupes, je me figure qu’en en prenant bon soin, il n’y a pas de nation à laquelle les Thébains consentissent à être assujettis. La Thessalie étant un pays très-vaste, toutes les nations environnantes lui sont soumises, dès qu’elle est sous le commandement d’un chef absolu. Presque toutes les troupes du pays sont des gens de trait, en sorte que les peltastes auront nécessairement le dessous avec notre armée. Je ne puis non plus manquer d’avoir pour alliés les Béotiens et tous les peuples qui font la guerre aux Lacédémoniens ; et certes tous consentiront à me suivre, si je les délivre des Lacédémoniens. Les Athéniens aussi, j’en suis sûr, feraient tout au monde pour devenir nos alliés ; pour ma part, toutefois, je ne suis pas d’avis de nous lier avec eux, car je crois qu’il nous serait encore plus facile de nous emparer de l’empire de la mer que de celui de la terre. Pour voir si mon calcul est juste, examine encore ceci.

« Possédant la Macédoine, d’où les Athéniens mêmes tirent leurs bois de construction, nous serons en état de construire beaucoup plus de vaisseaux qu’eux. Et des hommes pour les équiper, qui en aura le plus facilement des Athéniens ou de nous, chez qui se trouvent tant de pénestes[2] ? Quant à ce qui est d’entretenir des matelots, n’est-il pas naturel que nous en ayons plus les moyens, nous à qui notre abondance permet même d’exporter du blé, tandis que les Athéniens n’en ont pas suffisamment pour eux, s’ils n’en achètent ? Enfin il va de soi que nous ayons de l’argent en plus grande abondance, puisque, sans avoir recours à de pauvres îlots, nous en tirerons des nations continentales, tous les peuples qui nous entourent devenant tributaires, du moment où la Thessalie est gouvernée par

  1. Littéralement τάγος, tage, mot thessalien, qu’on trouve cependant quelquefois chez les Attiques.
  2. Domestiques, valets, mot thessalien.