Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/84

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commande dans un État ordonne, après en avoir délibéré, s’appelle une loi. — Mais si un tyran qui commande dans un État ordonne aux citoyens de faire telle ou telle chose, est-ce encore une loi ? — Oui, tout ce qu’ordonne un tyran qui a le pouvoir s’appelle loi. — Qu’est-ce donc, Périclès, que la violence et l’illégalité ? N’est-ce pas un acte par lequel le plus fort, au lieu de persuader le plus faible, le contraint à faire ce qu’il lui plaît ? — C’est mon avis, dit Périclès. — Ainsi, toutes les fois qu’un tyran, au lieu d’employer la persuasion, contraint les citoyens par un décret, c’est une illégalité ? — Je le crois ; aussi ai-je eu tort de dire que les ordres d’un tyran, qui se passe de la persuasion, sont aussi des lois. — Et quand le petit nombre n’use pas de la persuasion auprès de la multitude, mais abuse de son pouvoir pour faire des décrets, dirons-nous que c’est de la violence ou que ce n’en est pas ? — Tout ce qu’on exige de quelqu’un, sans employer la persuasion, que ce soit ou non un décret, me paraît être de la violence plutôt qu’une loi. — Et tout ce que la multitude, exerçant le pouvoir, impose aux riches, sans employer la persuasion, sera-ce encore de la violence plutôt qu’une loi ? — À merveille, Alcibiade, dit Périclès : et nous aussi, à ton âge, nous étions habiles sur de pareilles matières ; nous les prenions pour texte de déclamations et d’argumentations sophistiques, comme tu m’as l’air de sophistiquer en ce moment avec moi. » Alors Alcibiade : « Que n’ai-je pu, Périclès, converser avec toi, à cette époque où tu te surpassais toi-même ! »

Dès que Critias et Alcibiade se crurent plus habiles que les administrateurs de la cité, ils cessèrent devoir Socrate, qui ne leur avait jamais plu, et qui les blessait en leur faisant sentir leurs fautes, et se mêlèrent de politique, motif de leur liaison avec Socrate. Mais Criton s’attacha à Socrate, ainsi que Chéréphon, Chérécrate, Hermocrate, Simmias, Cébès, Phédondès[1], et

  1. Criton, auteur de dialogues philosophiques et principal disciple de Socrate, a donné son nom à l’un des plus célèbres dialogues de Platon. Chéréphon, ami intime de Socrate, figure dans le Gorgias et le Charmide de Platon, et Aristophane, dans les Nuées, répand ses sarcasmes sur lui et sur son maître. Chérécrate, frère de Chéréphon, figurera plus loin dans ces Mémoires. Hermocrate n’est pas autrement connu. Simmias de Thèbes parait dans le Phédon, le Phèdre et le Criton de Platon : c’était un des disciples les plus fidèles de Socrate. Cébès, de Thèbes, l’un des interlocuteurs du Phédon, était auteur de quelques dialogues ; on lui attribue un Tableau de la vie humaine, dont il est question dans Lucien : Maître de rhétorique, 6 ; Sur ceux qui sont aux gages des grands, 12. On trouve ordinairement ce tableau