Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/96

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de voir jusqu’à quel point ils veulent bien éclairer les hommes sur ce qui est caché, tu connaîtras quelle est la nature et la grandeur de cette divinité, qui peut à la fois tout voir, tout entendre, être présente partout, et prendre soin de tout ce qui existe. »

En parlant ainsi, Socrate me semblait apprendre à ses disciples à s’abstenir de toute action impie, injuste et honteuse, non-seulement en présence des hommes, mais encore dans la solitude, puisqu’ils seraient convaincus que rien de ce qu’ils pourraient faire n’échapperait aux dieux.


CHAPITRE V.


Comment Socrate enseignait la tempérance à ses disciples.


Si l’on ne peut nier que la tempérance ne soit pour un homme une belle et utile acquisition, examinons si les paroles de Socrate y faisaient faire des progrès, quand il s’exprimait ainsi : « Citoyens, s’il nous survenait une guerre, et que, voulant choisir un homme capable, avant tout, de nous sauver et de soumettre les ennemis, nous en connussions un qui fût esclave de son ventre, du vin, des plaisirs de l’amour, de la mollesse et du sommeil, irions-nous le choisir ? Comment pourrions-nous supposer qu’un pareil homme nous sauvât et triomphât des ennemis ? Si nous voulions, à la fin de notre vie, confier à quelqu’un l’éducation de nos garçons, l’honneur de nos filles, le soin de notre bien, croirions-nous l’homme intempérant digne d’une telle confiance ? Donnerions-nous à un esclave intempérant la garde de nos troupeaux, de nos greniers, la surveillance de nos travaux ? L’accepterions-nous, même gratuitement, comme intendant et comme pourvoyeur ? Ainsi, puisque nous ne voudrions pas même d’un esclave intempérant, comment n’attacherions-nous pas de l’importance à nous défendre de lui ressembler ? En effet, on ne peut pas dire que, de même que les avares, en dépouillant les autres de leurs biens, se figurent qu’ils s’enrichissent, l’intempérant soit nuisible aux autres, mais utile à lui-même : au contraire, s’il fait du mal aux autres, il s’en fait plus encore, puisque ce qu’il y a de plus pernicieux c’est de ruiner, en même temps que sa maison, son corps et son esprit. Et dans le commerce de la