Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/130

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aucun embarras, soit par terre, soit par mer vu qu’à Héraclée se trouvent beaucoup de bâtiments. »

Quand il a fini de parler, les uns le soupçonnent d’avoir parlé par amitié pour Corylas, dont il est le proxène ; les autres, que l’espoir d’une récompense lui a dicté cet avis ; d’autres enfin le soupçonnent d’avoir parlé dans la crainte qu’en allant parterre on ne mette à mal le territoire des Sinopéens. Les Grecs cependant décident qu’on achèvera la route par mer. Alors Xénophon, prenant la parole : « Sinopéens, dit-il, nos hommes choisissent la route que vous leur conseillez ; mais voici comment. S’il doit se trouver assez de bâtiments pour qu’il ne reste pas ici même un seul homme, nous sommes prêts à nous embarquer ; mais s’il faut que les uns restent ici et que les autres s’embarquent, pas un de nous ne montera à bord. Nous savons que, partout où nous serons en force, nous pourrons nous sauver et avoir des vivres. Mais si nous sommes pris à être plus faibles que nos ennemis, il est clair que nous serons traités comme des esclaves. » Cette réponse entendue, les députés prient d’envoyer des députés à Sinope. On envoie Callimaque d’Arcadie, Ariston d’Athènes, et Samolas d’Achaïe : ils partent sur le-champ.

Dans le même temps Xénophon, voyant cette foule d’hoplites grecs, cette foule de peltastes, d’archers, de frondeurs, de cavaliers, qui, grâce à une longue expérience, étaient devenus d’excellents soldats, les voyant, dis-je, sur les bords du Pont-Euxin, où l’on n’aurait pu qu’avec de grands frais rassembler de telles forces, songea qu’il serait beau d’y accroître le territoire et la puissance des Grecs en y fondant une ville. Il lui semblait qu’elle deviendrait considérable, quand il songeait au nombre des troupes et à celui des peuples qui avoisinent le Pont. Il offre un sacrifice avant de s’ouvrir à qui que ce soit des soldats, et appelle Silanus d’Ambracie, qui avait été devin de Cyrus.

Silanus craignant que, si ce projet était réalisé, l’armée ne s’établit dans ce pays, répand parmi les soldats le bruit que Xénophon veut y fixer les troupes et bâtir une ville, pour se faire à lui-même un nom et une puissance. Or Silanus, pour sa part, aspirait à retourner le plus tôt possible en Grèce. Les trois mille dariques qu’il avait reçues de Cyrus, pour avoir prédit juste d’après un sacrifice à dix jours de distance, il les avait bien gardées. Les soldats, en apprenant ce dessein, furent d’avis, les uns qu’il valait mieux rester, mais la plupart, non. Timasion de Dardanie et Thorax de Béotie disent à des marchands d’Héraclée et de Sinope qui se trouvaient là, que, si l’on ne paye pas la