Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/159

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maraude, et d’autres étaient sur la montagne ; ils avaient pris beaucoup de menu bétail ; mais, craignant qu’il ne fût confisqué, ils le disent à Dexippe, le même qui s’était enfui de Trapézonte sur un pentécontore, et le prient de sauver leur butin, en en prenant une partie et en rendant le reste[1]). Aussitôt il repousse les soldats qui entourent cette maraude et prétendent qu’elle appartient à la masse ; il va trouver Cléandre et l’instruit qu’on veut enlever le bétail. Cléandre se fait amener le ravisseur. Dexippe met la main sur un homme et l’amène. Agasias, qui survient par hasard, reprend l’homme : celui qu’on emmenait était un de ses lochites. Les autres soldats présents se mettent à jeter des pierres à Dexippe, en l’appelant traître. Effrayés, un grand nombre de triérites se sauvent du côté de la mer. Cléandre même s’enfuit. Xénophon et les autres stratèges contiennent les soldats, et disent à Cléandre que cela n’est rien, qu’un décret de l’armée est cause de tout ce bruit. Mais Cléandre, excité par Dexippe, et piqué lui-même d’avoir eu peur, répond qu’il va mettre à la voile et faire publier la défense à aucune ville de les recevoir, comme ennemis. Tous les Grecs obéissaient alors aux Lacédémoniens.

L’affaire paraissant grave aux yeux des Grecs, ils supplient Cléandre de ne point agir ainsi. Il répond qu’il ne changera point de sentiment, qu’on ne lui ait livré le premier qui a jeté des pierres et arraché le soldat arrêté. Celui qu’il désignait ainsi était Agasias, de tout temps ami de Xénophon ; motif pour lequel Dexippe l’accusait. Dans cette circonstance critique, les chefs convoquent l’armée : quelques-uns se souciaient fort peu de Cléandre ; mais Xénophon ne voyant pas là une petite affaire, se lève et dit : « Soldats, je ne vois point que ce soit une petite affaire, si Cléandre s’en va dans la disposition d’esprit qu’il annonce. Près de nous déjà sont les villes grecques, et la Grèce est soumise aux Lacédémoniens : les Lacédémoniens, que dis-je ? un seul d’entre eux a le pouvoir de faire dans les villes ce que bon lui semble. Si donc cet homme nous ferme d’abord les portes de Byzance, et s’il défend aux autres harmostes de nous recevoir dans les villes, comme traîtres aux Lacédémoniens et hors la loi, le bruit en viendra aux oreilles d’Anaxibius, chef de la flotte. Alors il nous est également difficile de rester ou de naviguer, attendu qu’aujourd’hui les Lacédémoniens commandent sur la terre et sur la mer. Il ne

  1. Le texte de ce passage est très-tourmenté.