Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/161

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à Dexippe, je savais que, choisi par l’armée pour commander le pentécontore que nous avions demandé aux Trapézontins, et pour réunir des bâtiments afin de nous sauver, ce Dexippe s’est enfui ; il a trahi les soldats avec lesquels il s’était échappé. Il a volé aux Trapézontins leur pentécontore, nous a fait passer pour des fourbes, et a préparé ainsi notre perte à tous : car il avait entendu dire comme nous qu’il nous était impossible de retourner par terre, de traverser les fleuves et d’arriver sains et saufs dans la Grèce. Voilà l’homme à qui j’ai arraché mon soldat. Si tu l’eusses emmené, toi, ou quelque autre des tiens, et non pas un de nos déserteurs, sois-en sûr, je n’aurais rien fait de tout cela. Songe maintenant qu’en me tuant, tu feras mourir un brave homme à cause d’un traître et d’un lâche. »

Ce discours entendu, Cléandre répond qu’il n’approuve point Dexippe, s’il s’est conduit ainsi ; seulement il ajoute que, Dexippe fût-il un scélérat, on n’aurait pas dû le traiter avec violence : « Il fallait le mettre en justice comme vous agissez vous-mêmes aujourd’hui, et provoquer son châtiment. Maintenant donc, retirez-vous et laissez-moi avec cet homme ; quand je vous ferai appeler, vous entendrez le jugement. Je n’accuse plus ni l’armée, ni personne, puisqu’en voici un qui convient d’avoir arraché le soldat. » Ce soldat dit alors : « Tu crois peut-être, Cléandre, que l’on m’a conduit à toi parce que je me suis rendu coupable ; non, je n’ai frappé personne, je n’ai point jeté de pierres, mais j’ai dit que le bétail appartenait à la masse. En effet, les soldats ont décidé que si, le jour où l’armée sort, on pillait pour son propre compte, le butin serait à tous. Voilà ce que j’ai dit. Dexippe alors m’a saisi : il m’entraînait afin que personne n’osât parler, et que, maître ainsi du butin il pût s’en approprier une partie et laisser le reste aux maraudeurs contrairement au décret. » Alors Cléandre : « Puisque tu es l’homme en question, dit-il, reste, afin que nous délibérions sur ton sort. »

Cléandre et les siens se mettent ensuite à dîner. Xénophon convoque l’armée et lui conseille d’envoyer demander à Cléandre la grâce des prisonniers. On décide de lui députer les stratèges, les lochages, Dracontius de Sparte, et tous ceux que l’on croit en état de le fléchir, avec mission d’employer auprès de lui tous les moyens de sauver les deux hommes. Xénophon vient également et dit : « Cléandre, les accusés sont entre tes mains : l’armée te les livre pour en faire ce que tu voudras ainsi que de tous les autres. Maintenant elle te prie de