Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à ceux qui restent, et qui seront en mesure de traiter avec lui comme il l’entendra. »

Tous les soldats passent alors à Byzance : Anaxibius ne leur donne point de paye, mais il fait publier par un héraut qu’ils aient à sortir avec armes et bagages, comme pour les congédier après les avoir passés en revue. Les soldats, fâchés de n’avoir pas d’argent pour acheter des vivres pendant la route, font leurs préparatifs avec lenteur. Xénophon, devenu l’hôte de l’harmoste Cléandre, va le trouver, et lui fait ses adieux comme pour s’embarquer. Cléandre lui dit : « Ne fais pas cela ; sinon, tu te feras accuser : en ce moment même, il y en a qui t’accusent de la lenteur avec laquelle l’armée se retire. » Xénophon répond : « Mais je n’en suis pas cause ; les soldats manquent de vivres et ils ne possèdent rien ; voilà pourquoi ils n’ont pas de cœur au départ. — Je te conseille pourtant, reprend Cléandre, de sortir d’ici comme pour marcher avec eux, puis, quand l’armée sera dehors, de t’en séparer seulement. — Allons donc trouver Anaxibius, répond Xénophon, et concertons-nous avec lui. » Ils y vont et lui disent l’affaire. Celui-ci engage à agir ainsi, à faire sortir au plus vite les soldats qui sont prêts, et à leur dire, en outre, que quiconque ne se trouvera pas à la revue et au dénombrement, se déclarera par cela même en faute. Les généraux sortent les premiers, et les autres suivent. Déjà tout le monde, sauf quelques-uns, était dehors, et déjà Étéonicus se tenait près des portes afin, quand tout le monde serait dehors, de les fermer et de mettre la barre.

Anaxibius, convoquant les stratèges et les lochages, leur dit : « Prenez des vivres dans les villages de Thrace : vous y trouverez beaucoup d’orge, du blé, et toute espèce de vivres. Quand vous en aurez, marchez vers la Chersonèse ; là, Cynisque vous donnera la paye. » Quelques soldats, peut-être un des lochages, entendant ces paroles, les rapporte à l’armée. Les stratèges prenaient désinformations sur Seuthès, s’il était ami ou ennemi ; s’il fallait traverser le mont Sacré ou faire un détour par le milieu de la Thrace.

Pendant ces questions, les soldats saisissent leurs armes, et courent en toute hâte vers les portes afin de rentrer dans les murs. Étéonicus et ses gens, voyant accourir les hoplites, ferment les portes et mettent la barre. Les soldats frappent aux portes, et disent que c’est l’injustice la plus criante de les laisser à la merci de l’ennemi ; et ils menacent de briser les portes, si on ne les ouvre pas de bonne grâce. D’autres courent à la mer