Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/165

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et pénètrent dans la ville par-dessus le môle, tandis que ceux des soldats qui sont restés à l’intérieur, voyant ce qui se passe aux portes, coupent les barres à coups de hache et ouvrent les battants : l’armée se précipite dans la ville.

Xénophon voit ce qui se passe ; il craint que les Grecs ne se livrent au pillage et qu’il n’en résulte des maux irréparables pour la ville, pour lui-même et pour les soldats : il accourt donc et se jette à l’intérieur avec la masse. Les Byzantins, voyant l’armée entrer de force, s’enfuient de l’agora, les uns vers les navires, les autres dans leurs maisons ; ceux qui étaient chez eux en sortent ; d’autres lancent des trirèmes à la mer afin de se sauver ; tous se figurent qu’ils sont perdus, comme si la ville était prise. Étéonicus se réfugie vers le cap. Anaxibius court à la mer, fait le tour de la ville dans un bateau pêcheur, monte à l’acropole, et envoie aussitôt chercher la garnison de Chalcédoine, ne croyant pas avoir assez des hommes qui sont dans l’acropole pour contenir les Grecs.

Les soldats, apercevant Xénophon, se précipitent en foule vers lui et s’écrient : « C’est aujourd’hui, Xénophon, qu’il faut te montrer un homme. Tu as une ville, tu as des trirèmes, tu as de l’argent, tu as des troupes nombreuses. Maintenant donc, si tu veux, suis-nous, et nous te ferons grand. » Xénophon répond : « C’est bien dit : ainsi ferai-je. Puisque tel est votre désir, posez les armes et prenez vos rangs. » Il voulait les apaiser en leur donnant cet ordre, et il engage les autres chefs à donner le même ordre et à faire poser les armes. Les soldats se formant d’eux-mêmes, les hoplites se rangent en un instant sur cinquante de hauteur, et les peltastes courent aux deux ailes. Ils occupaient une place des plus commodes pour y déployer une armée, celle qui est appelée la place de Thrace, sans maisons et tout unie. Les armes ayant été posées à terre, et les esprits plus calmes, Xénophon convoque l’armée et dit :

« Votre colère, soldats, la pensée où vous êtes qu’on vous a indignement trompés, n’ont rien qui me surprenne. Mais si nous nous laissons aller à notre courroux, si nous punissons de cette fourberie les Lacédémoniens qui sont ici, si nous mettons au pillage une ville qui n’en peut mais, réfléchissez aux suites. Nous serons ennemis déclarés des Lacédémoniens et de leurs alliés, et il est aisé de prévoir quelle guerre en sera la conséquence, en considérant et en se rappelant ce qui s’est passé naguère encore. Nous autres Athéniens, quand nous sommes entrés en guerre avec les Lacédémoniens et leurs alliés, nous