Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/176

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Entrent alors des Cérasontins, qui sonnent une chasse avec des flûtes et des trompettes de cuir de bœuf cru, le tout en mesure comme s’ils jouaient de la magadis[1]. Seuthès lui-même se lève, jette un cri de guerre et s’élance avec agilité comme pour éviter un trait. Alors entrent des bouffons.

Le soleil était près de se coucher. Les Grecs se lèvent et disent qu’il est l’heure de poser les gardes de nuit et de donner le mot d’ordre. Ils prient Seuthès d’ordonner qu’il n’entre de nuit aucun Thrace dans le camp grec. « Nos ennemis, disent-ils, sont des Thraces comme vous qui êtes nos amis. » Dès qu’ils sont sortis, Seuthès se lève n’ayant point l’air d’un homme ivre. En sortant, il rappelle les stratèges et leur dit : « Compagnons, les ennemis ne savent encore rien de notre alliance. Si nous marchons sur eux avant qu’ils se soient mis sur leurs gardes contre notre irruption et qu’ils aient préparé leurs moyens de défense, nous ferons plus de butin et plus de prisonniers. » Les stratèges approuvent son avis et le prient de les conduire. Seuthès répond : « Préparez-vous donc, attendez, et moi, quand il en sera temps, j’irai vous trouver. Je vous prendrai vous et vos peltastes, et, avec l’aide des dieux, je vous conduirai. » Xénophon leur dit : « Vois donc, puisque nous marcherons de nuit, si l’usage grec ne vaut pas mieux. Pendant le jour, c’est la nature du pays qui décide du genre de troupes qui doivent marcher en tête : hoplites, peltastes ou cavalerie ; durant la nuit, l’usage grec est que les troupes pesantes marchent en avant. De cette manière les armées se séparent moins, et les soldats ont moins d’occasions de s’écarter sans qu’on s’en aperçoive. Souvent des troupes ainsi séparées tombent les unes sur les autres, ne se reconnaissent point, et se font réciproquement du mal. Seuthès dit : « Votre réflexion est juste, je me conformerai à votre usage : je vous donnerai pour guides ceux des vieillards qui connaissent le mieux le pays, et je vous suivrai en queue avec mes chevaux : en un instant, s’il le faut, je serai au front de la colonne. » On prend pour mot d’ordre : Minerve, en raison de la parenté ; et, l’entretien fini, chacun va goûter le repos.

Vers minuit, Seuthès arrive avec ses cavaliers cuirassés et les peltastes en armes. Quand il a donné les guides, les hoplites

  1. « Athénée, dans le dernier chapitre de son quatrième livre, nous parle de deux instruments nommés μάγαδις, dont l’un était à corde et l’autre à vent. Le premier ressemblait à la guitare, à la lyre, au luth, et le second était une espèce de flûte. Celui-ci s’appelait aussi παλαιομάγαδις, et rendait en même temps des sons aigus et des sont graves. » De la Luzerne.