Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tout cela, que tu t’exposes à des dangers. » Cyrus répond. « Si tu n’en as pas besoin, je te supplie, grand-père, donne-moi ces bêtes pour que je les distribue à mes compagnons d’âge. — Eh bien, va, mon garçon, dit Astyage, prends-les, donne-les à qui tu voudras, et toutes celles qu’il te plaira parmi les autres. » Cyrus les prend, les donne aux enfants et leur dit en même temps : « Enfants, que nous étions donc naïfs, quand nous chassions des bêtes dans le parc ! cela me produit l’effet d’une chasse à des bêtes attachées. D’abord elles étaient resserrées dans un petit espace ; puis chétives et pelées : celle-ci était boiteuse, celle-là mutilée ; mais les bêtes des montagnes et des prairies, comme je les ai trouvées belles, grandes et grasses ! Les cerfs, on eût juré qu’ils avaient des ailes et s’envolaient au ciel : les sangliers, comme on le dit des hommes braves, couraient sus à l’ennemi, et leur grosseur était telle qu’il n’y avait pas moyen de les manquer. Mortes, je l’assure, elles me paraissent plus belles que ne le sont en vie les bêtes captives dans nos enclos. Mais enfin, vos pères vous laisseront-ils aussi venir à la chasse ? — Très-facilement sans doute, dirent-ils, si Astyage le prescrit. » Alors Cyrus leur dit : « Et qui de vous se chargerait d’en parler à Astyage ? — Mais qui donc, répondent-ils, est plus capable que toi de le convaincre ? » Cyrus leur dit : « Oui, mais par Jupiter, je ne sais pas, en vérité, ce que je suis devenu. Je n’ai plus le courage de parler à mon grand-père, ni même de le regarder en face. Si je fais des progrès dans ce sens-là, j’ai peur de devenir tout à fait un niais et un imbécile. Quand j’étais tout petit, il me semble que j’étais grand parleur. » Les enfants lui disent : « Voilà, certes, une fâcheuse affaire, si tu ne peux rien faire pour nous ; il faudra que nous en cherchions quelque autre pour demander ce qui dépend de toi. » Ces paroles piquent vivement Cyrus : il se retire sans dire un mot, s’encourage lui-même, et, après avoir rêvé aux moyens de rendre la proposition le moins désagréable possible à son grand-père, et d’obtenir pour lui et pour les enfants ce qu’ils désiraient, il va le trouver. Là, il commence ainsi : « Dis-moi, grand-père, si un de tes serviteurs s’était enfui et que tu l’eusses repris, que lui ferais-tu ? — Pas autre chose que de le mettre aux fers et le forcer à travailler. — Et, s’il revenait de lui-même, comment ferais-tu ? — Pas autre chose que le fouetter, afin qu’une commît plus la même faute, et puis je m’en servirais comme auparavant. — Eh bien dit Cyrus, il faut te préparer à me fouetter