Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/233

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prendre avantage. Il faisait ensuite une distinction entre ce qu’il fallait faire avec ses amis et avec ses ennemis. Il allait jusqu’à enseigner qu’il peut être juste de tromper ses amis pour le bien, de voler même ses amis pour le bien. Comme conséquence de ses leçons, il exerçait les enfants à les pratiquer entre eux, comme on dit que les Grecs enseignent à tromper dans la lutte, et il exerçait les enfants à agir de la sorte les uns contre es autres. Quelques-uns donc, ayant de leur nature de bonnes dispositions pour bien tromper et pour bien prendre avantage, et n’en ayant peut-être pas de mauvaises pour l’appât du gain, ne s’abstenaient pas de s’exercer sur leurs amis et d’en tirer avantage. Il en résulta un décret, qui est encore en vigueur, d’après lequel il faut instruire les enfants, comme nous instruisons nos serviteurs, à dire simplement la vérité, à ne pas tromper, à ne pas voler, à ne pas essayer de tirer avantage ; et l’on punit les délinquants. Il en résulte qu’avec cette habitude on a des citoyens dont les mœurs sont plus douces.

« Mais quand ils ont atteint l’âge que tu as maintenant, on croit pouvoir leur enseigner sans danger comment on doit se comporter avec les ennemis, parce qu’il ne paraît guère possible que vous deveniez des citoyens de mœurs sauvages, après avoir été nourris à vous respecter les uns les autres. Ainsi nous ne parlons pas d’amour aux trop jeunes gens, de crainte que la vivacité du désir, s’ajoutant à la légèreté de leur âge, ne les entraîne à des excès. — Par Jupiter, dit Cyrus, je suis bien en retard pour ce qui concerne ces ruses de guerre : ne tarde donc pas, mon père, si tu en connais, de me les apprendre, afin que j’obtienne des avantages sur les ennemis. — Tâche donc, dit Cambyse, autant que possible, de surprendre avec des troupes bien rangées les ennemis en désordre, avec des soldats armés des troupes sans armes, éveillés, des gens endormis : tâche de les voir en leur demeurant invisible ; d’être dans un lieu avantageux, quand ils sont dans un mauvais poste. — Est-il donc possible, mon père, de prendre l’ennemi dans de pareilles fautes ? — Il est de toute nécessité, mon garçon, que vous et les ennemis vous vous trouviez souvent en pareilles conjonctures. Ainsi, de part et d’autre, il faut manger ; il faut dormir ; il faut aller de bon matin aux choses indispensables ; il faut passer, bon gré mal gré, par les routes telles qu’elles sont. Il faut donc que tu considères, avant tout, les points sur lesquels tu sens que vous êtes faibles, pour te mettre sur tes gardés, et ceux sur lesquels les ennemis sont le plus faciles à