Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/247

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font rire, pourrais-tu me dire en quoi ils sont utiles au corps ou à l’esprit, comment ils apprennent à bien gouverner les maisons ou les États ? » Hystaspe répond : « Si tu m’en crois, Aglaïtadas, tu dépenseras sans hésiter avec les ennemis ce précieux trésor, et tu essayeras de leur donner à pleurer ; mais avec nous, continua-t-il, et avec tes amis, tu prodigueras avec largesse ton modeste trésor de rire. Je sais que tu en as tenu un grand fonds en réserve ; car tu n’en dépenses pas pour ton usage, et tu n’es pas pressé de fournir du rire à tes hôtes et à tes amis. Si bien que tu n’as aucune excuse à nous donner pour ne pas nous faire rire. — Quoi donc, Hystaspe, répond Aglaïtadas, veux-tu donc que je vous prête à rire ? — Non, ma foi, dit le taxiarque, ce serait folie : on tirerait plutôt du feu de ton corps, en le frottant, que la moindre étincelle de rire. »

À ces paroles, tous les conviés éclatent, connaissant bien l’humeur d’Aglaïtadas, et lui-même se laisse aller jusqu’à sourire. Alors Cyrus se tournant vers celui qui s’était ainsi égayé : « Tu es injuste, taxiarque, lui dit-il ; tu nous gâtes le plus sérieux des hommes, en lui conseillant de rire, et cela quand il en est si grand ennemi. » La chose en reste là. Chrysantas alors se met à dire : « Pour moi, Cyrus et vous tous qui êtes ici présents, je pense que tous ceux qui sont, venus ici avec nous ont un mérite les uns supérieur, les autres inférieur. Cependant si nous obtenons quelque succès, ils voudront tous avoir la même part. Eh bien, selon moi, il n’y a rien de plus inégal parmi les hommes que de traiter également le bon et le mauvais. » Alors Cyrus : « Le meilleur, mes amis, dit-il, j’en atteste les dieux, n’est-il pas d’introduire cette question auprès de l’armée, et de savoir s’il est plus juste, au cas où la divinité nous accorderait quelque avantage, de donner à chacun une part égale, ou bien, après examen, d’attribuer à chacun sa part, selon ses œuvres. — Pourquoi, dit Chrysantas, porter ailleurs cette question, et ne pas annoncer que tu feras ainsi ? N’as-tu pas proclamé les luttes et les prix ? — Mais, par Jupiter, dit Cyrus, les choses ne sont plus les mêmes : les soldats, je crois, penseront que ce qu’ils pourront acquérir à la guerre sera tout en commun ; tandis qu’ils croient sans doute que le commandement de l’armée est à moi par droit de naissance ; de sorte qu’ils croient également que je ne fais aucune injustice, lorsque j’en nomme les chefs. — Et crois-tu donc aussi, dit Chrysantas, que la multitude réunie décrète que chacun ne puisse obtenir des parts égales, mais que les plus braves aient une plus large part d’honneurs et de pré-