Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/262

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vestit la hauteur avec les troupes qu’il a sous la main, puis, envoyant vers Chrysantas, il lui ordonne de laisser la garde de la montagne et de venir. Pendant que Cyrus rassemble son armée, il envoie à l’Arménien un héraut, chargé de lui faire cette question : « Dis-moi, Arménien, préfères-tu rester là-haut, à lutter contre la faim et la soif, ou bien descendre dans la plaine pour combattre avec nous ? » L’Arménien répond qu’il aimerait mieux n’avoir à lutter ni contre l’un ni contre l’autre. Cyrus envoie une seconde fois lui demander : « Pourquoi restes-tu là-haut et ne descends tu pas ? — Parce que je ne sais pas ce que je dois faire. — Mais, répond Cyrus, il n’y a pas d’hésitation. Il ne tient qu’à toi de descendre pour te disculper. — Et qui sera mon juge ? — Ce sera naturellement celui auquel la Divinité a donné de disposer de toi à son gré, et sans autre forme de procès. » Alors, l’Arménien, contraint par la nécessité, descend de la colline. Cyrus le reçoit, avec toute sa suite, au milieu de son armée, complétée par l’arrivée du reste de ses troupes.

Sur ces entrefaites, le fils aîné du roi d’Arménie revient d’un voyage : il avait été souvent compagnon de chasse de Cyrus. Informé de ce qui se passe, il se rend, en équipage de voyage, auprès de Cyrus. Quand il voit prisonniers son père, sa mère, ses sœurs et sa propre femme, il se prend à pleurer, comme de juste. Cyrus, en le voyant, ne lui fait pas d’autre accueil amical que de lui dire : « Tu arrives à temps pour assister au jugement de ton père. » Bientôt il assemble les chefs des Perses et ceux des Mèdes ; il fait mander également tout ce qu’il y a de grands d’Arménie, il ne fait point retirer les femmes, placées sur les chariots, mais il leur permet d’écouter et commence ainsi : « Arménien, je te conseille, avant tout, de ne rien dire que de vrai dans ta défense, afin d’éloigner de toi le plus odieux des crimes. Car le mensonge, sache-le bien, est le plus grand obstacle chez les hommes à obtenir un pardon. Et puis, tes enfants, ces femmes, savent tout ce que tu as fait, ainsi que les Arméniens ici présents. S’ils t’entendent dire autre chose que ce qui s’est fait, ils jugeront que tu te condamnes toi-même aux derniers supplices, quand je viendrai à savoir la vérité. — Demande-moi, Cyrus, ce qu’il te plaira, je dirai la vérité, advienne que pourra. — Réponds donc. As-tu jamais fait la guerre à Astyage, père de ma mère, et aux autres Mèdes ? — Je l’ai faite. — Vaincu par lui, n’es-tu pas convenu de lui payer un tribut, de te mettre en campagne avec lui